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(in french) Review "féminismes,_queer,_mu ltitudes"
Multitudes
    
and below - once more in French - a review on the
"féminismes, queer,
multitudes" issue (n. 12, spring 2003) from the
journal Multitudes that
appeared in Cahier du Genre (n. 36).
best, s.
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Note de lecture Multitudes 12 dans les Cahiers du
Genre
Par Laure Bereni
Avec ce numéro de Multitudes, pour la première fois en
France, les
féminismes « queer » ont obtenu dans une revue
académique une « chambre 
à
soi », pour reprendre le titre introductif d¹Antonella
Corsani. Les
perspectives queer, introduites sous cette appellation
par Teresa de
Lauretis dans la revue féministe américaine
Différences en 1990, 
désignent
un ensemble de théories et de pratiques dénonçant
certaines dérives
normalisantes des « gender » et « gay and lesbian
studies ». Ayant 
investi
les cercles académiques et gagné une légitimité rapide
Outre-Atlantique 
au
cours des années quatre-vingt-dix, les théories queer
sont encore mal
connues en France, et sonnent encore bizarres,
étranges, menaçantes  
autant
de significations initiales du terme anglais « queer
». Attirant les
suspicions généralement adressées aux concepts «
américains », le queer
semble rencontrer des résistances accrues dans les
espaces féministes 
en
France, notamment à l¹université . Réciproquement, les
quelques
introductrices du queer en France, comme Marie-Hélène
Bourcier, se
qualifient volontiers de « post-féministes », marquant
leur distance 
avec
l¹héritage du féminisme de la seconde vague. Sur fond 
d¹incompréhensions et
de méfiances réciproques, ce numéro de Multitude offre
un échantillon 
des
liens, dialogues, fusions et imbrications des
perspectives « queer » 
(et) «
féministes » en Europe. Le numéro rassemble des
contributions diverses,
hétéroclites, croisant perspectives théoriques et
militantes, portées 
par
les voix de « femmes, lesbiennes, gouines, transgenre
» issues de 
diverses
générations, traditions académiques et nationalités.
On rechercherait 
en
vain un tableau cohérent, mettant en scène l¹unité
d¹un courant. Il 
s¹agit
plutôt d¹une « multitude » d¹usages « queer » du
féminisme et de 
féminismes
« queer ». Faute d¹en attendre un apaisement des
controverses sur le « 
queer
», on peut espérer que ce numéro désamorce les
méfiances que 
l¹étrangeté du
mot suscitait jusqu¹à lors.
D¹abord, des idées fausses sur les théories queer
tombent à la lecture.
Elles ne consistent pas à faire l¹apologie de la
libération sexuelle en
oubliant les rapports de pouvoir. Elles n¹ont ainsi
rien en commun avec 
les
positions libérales, bien que masquées par un vernis «
libertaire »,
célébrées notamment par Marcela Iacub (Qu¹avez-vous
fait de la 
révolution
sexuelle ?, 2003) ou Elisabeth Badinter (Fausse route,
2003). Comme 
l¹écrit
Béatriz Preciado, « la multitude » queer n¹est en
aucun cas une «
accumulation d¹individus souverains et égaux devant la
loi, 
sexuellement
irréductibles, propriétaires de leur corps et
revendiquant leurs droits 
au
plaisir inaliénable ».
En outre, les perspectives queer présentées dans ce
numéro développent 
une
critique stimulante de certains schèmes de pensée
issus de la seconde 
vague
du féminisme, et en particulier la rhétorique du «
patriarcat » et 
d¹une de
ses formulations plus récentes, la « domination
masculine ». Plusieurs
contributions soulignent que ces paradigmes font de
l¹oppression des 
hommes
dominants sur les femmes dominées l¹axe principal des
rapports de 
pouvoir,
et renforcent ainsi la binarité du genre. La
différence de sexe, même 
si
elle repose sur des prémisses constructivistes dans
les théories 
radicales
matérialistes, y est, selon Marie-Hélène Bourcier «
renaturalisée ». La
catégorie « femme » tend ainsi à être construite comme
le « sujet pur » 
du
féminisme, effaçant les multiples axes de domination
qui la traversent
(selon la couleur, la sexualité, etc.) et excluant les
« transgenre »,
ceux-(et)-celles qui échappent à la partition binaire
(comme les « 
trans »,
« butch », « dragkings », etc.) Au total, comme
l¹écrit Anne Querrien, 
la
production post-féministe queer « remet en cause (S)
OLa¹ femme, sujet 
du
féminisme historique ». Lorsque Judith Butler a émis
le même type de
critique dans Gender Trouble, en 1990, elle a été
l¹objet de multiples
attaques de la part des porte-parole du féminisme
américain, qui
l¹accusaient de saper les bases mêmes de l¹action
collective en
déconstruisant son référent. Au nom de quoi se battre
s¹il n¹y a plus 
de
sujet femme ? Contrairement à une idée répandue, les
perspectives queer 
ne
conduisent par à nier les identités et l¹action
politique. Comme 
l¹écrit
Preciado, « queeriser » les féminismes conduit à des «
stratégies à la 
fois
hyper-identitaires et post-identitaires ». Héritières
de Foucault, les
perspectives queer considèrent que le pouvoir est
partout, mais aussi 
que
dans toute relation de pouvoir se trouvent des points
de résistance. 
Loin de
l¹utopie universaliste du renversement de la
domination masculine, dont
l¹horizon est souvent le dépassement des catégories de
genre, il s¹agit
d¹investir  et de subvertir  les différences comme
sites de l¹action
politique. Mais pas n¹importe lesquelles : les «
politiques de la
particularité » consistent à s¹approprier, retourner
les identités «
négatives » et « performer le mauvais élève »
(Preciado). Partir 
toujours de
la marge pour défier tout ce qu¹il y a de normalisant
dans les  
identités
constituées, qu¹elles soient « hétéro », « blanches »,
« homo », «
bourgeoises », etc. C¹est ce que racontent les
militantes féministes 
d¹Act
Up interviewées dans le numéro, qui conçoivent leur
mouvement comme un 
«
laboratoire des devenirs minoritaires ».
En parcourant ce numéro, il est frappant qu¹outre les
critiques
épistémologiques et politiques adressées à certaines
perspectives
féministes, les queer s¹inscrivent à de nombreux
égards dans l¹héritage 
des
mouvements féministes, qu¹elles réinterprètent et
s¹approprient dans un
nouvel environnement militant, reconstruisant ainsi
d¹autres 
subjectivités
féministes. Nombre de contributrices prennent pour
point de départ les
ruptures épistémologiques et politiques issues de la
seconde vague du
féminisme, comme la critique des partitions
public/privé et 
savant/militant.
Réaffirmant « le personnel est politique », elles
prônent une « 
politique
particularisée » (Christina Vega), ou encore défendent
la « politique à 
la
première personne » (Corsani) La critique de
l¹opposition hiérarchisée 
entre
général et particulier conduit à un refus des «
modalités discursives 
d¹un
sujet passant pour universel » (Rosi Braidotti) comme
la notion d¹« 
intérêt
général » ou encore de « citoyen comme catégorie
générale » (Noortje
Marres). On ne peut manquer de remarquer une certaine
continuité avec 
les
postures des militantes féministes radicales qui, dans
les années
soixante-dix, contestaient la légitimité de l¹«
organisation » et de la 
«
délégation » comme modes d¹expression politiques. Par
ailleurs, 
plusieurs
contributions dans ce numéro reformulent la question
du rapport entre
théorie et pratique. S¹inspirant des théories de la «
connaissance 
située »
(standpoint theories) développée notamment par Sandra
Harding ou Donna
Haraway, les auteures revendiquent des théories
féministes « 
positionnées »
(Maria Puig), à l¹envers des exigences normatives et
universalisantes 
de «
l¹épistémologie scientiste », seul moyen selon elles
de maintenir un 
lien
entre savoirs et politique. Leurs réflexions
témoignent d¹une nouvelle 
étape
dans l¹institutionnalisation des études féministes en
Europe, portée 
par une
« génération d¹étudiantes dont le voyage en féminisme
[a] commencé par 
une
formation universitaire en Etudes Féministes »
(Rutvica Andrijasevic et
Sarah Bracke, membres du Réseau d¹étudiantes
féministes « 
NextGENDERation
»).
Finalement, au-delà d¹une présentation des
perspectives queer, la 
lecture de
ce numéro donne à voir la complexité des rapports
entre queer et 
féminisme
de la seconde vague, rapport de continuité, de
critique et de
ré-appropriation, plus que de concurrence ou de
dépassement. On ne peut
manquer de remarquer à quel point ces espaces
féministes queer, en
ré-agençant des héritages théoriques divers, et en
expérimentant des
nouvelles pratiques militantes, témoignent d¹une
imagination politique
foisonnante  ranimant la tradition des mouvements
radicaux des années
soixante-dix. Devant la profusion d¹idées et de
concepts nouveaux, 
exprimés
dans une langue liée à la tradition philosophique «
postmoderne », et 
devant
la tendance accrue à l¹abstraction théorique qui
caractérisent ce 
numéro, on
est certes tentée de se demander sur quoi ces ruptures
si prometteuses 
vont
déboucher en terme de recherche. S¹il investit les
couloirs feutrés de
l¹université, le queer ne va-t-il pas perdre son
enracinement à la 
marge, sa
vocation à « performer l¹abject », et devenir le
langage d¹une certaine
bienséance académique, comme d¹aucuns le craignent aux
Etats-Unis ? Le 
queer
ne menace-t-il pas de « ringardiser » les discours
matérialistes, 
jouant le
rôle de nouvelle marge légitime ? En termes
politiques, le queer ne
risque-t-il pas de servir à la fois un fétichisme de
la prolifération
identitaire  sans problématiser les rapports de
pouvoir, et les 
discours
anti-communautaristes  en travaillant à l¹éclatement
des identités ? 
Pour
échapper aux procès d¹intention qui nourrissent
parfois ce genre de
prophétie catastrophiste, il faut faire sienne une des
intuitions les 
plus
convaincantes des perspectives féministes (et) queer
telles qu¹elles 
sont
définies ici : penser le champ des études féministes
comme un « champ 
de
divergences solidaires », où les multiples points de
vue ne prétendent 
pas
dépasser et renverser les autres, mais réaffirmer
constamment une 
vigilance
critique face à toute théorie englobante et normative.
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